samedi 13 août 2011

BULler autour du Pain de Sucre

En revenant rouler dans le Queyras, j’avais derrière la tête de réaliser ce tour qui était tombé à l’eau trois ans plus tôt, faute de place en gîte côté Italien dans le village de Chianale. Pas de chance, cette année aussi, les deux hébergements transalpins sont pleins. Mais cette fois-ci on passera outre, l’occasion est parfaite pour s’essayer au vélo de montagne version B.U.L (Bivouac ultra-léger). En effet depuis quelques années on voit fleurir des randonneurs d’un nouveau genre (principalement à pied pour le moment). De façon générale, le matériel de montagne s’est considérablement allégé au cours des dernières années. Mais une petite communauté de marcheurs, qui s’est regroupée en France autour du site randonner-léger.org s’est prise au jeu de cette quête du poids plume.

Une aubaine pour les vététistes, car il faut bien l’avouer, si le vélo peut être un formidable moyen de voyage en autonomie dans sa version cyclotourisme / vélosacoche (on ne compte plus le nombre de voyageur au long cours qui ont choisi ce mode de transport…), la version vélo de montagne est plus problématique.

D’un côté, impossible de rouler avec des sacoches à proprement parler, tant du fait de l’encombrement que de l’incompatibilité des fixations avec les VTT modernes. De l’autre, il est tout aussi inenvisageable de se charger d’un sac à dos de 15kg, tant la position sur le vélo est propice dans ce cas là à un lumbago (dos en extension, vibration en descente et poids sur les reins ne faisant pas bon ménage…). A tout ceci vient s’ajouter le poids du vélo lui-même, le portage étant souvent de mise dans nos virées alpines. Autant dire que les sorties en autonomie nécessite un peu de réflexion.
Répartition des masses


L’envie de rester plus longtemps en montagne tout en évitant les refuges me trotte dans la tête depuis un bout de temps et j’avais mis à profit les journées de temps libre liées à un carton en début de saison pour passer un peu de temps derrière la machine à coudre afin de coudre une grosse sacoche de cadre (qui restera inutilisée pour cause de changement de vélo) et un système de portage sous le guidon pour un sac étanche. Tout ceci, combiné à un peu de matos léger (toile de tente MSR Hooba – seulement la toile extérieur, duvets Valandré Mirage et réchaud Primus minimaliste) et nous voilà parés pour deux journées en autonomie (détail de l’équipement en fin de compte rendu).

Le démarrage se fait en douceur, on remonte la vallée du Guil en direction de sa source. On arrive rapidement au niveau du parking d’où partent tous les randonneurs à pied, la plupart avec pour objectif le refuge du Viso. On continue sur la bonne piste qui nous permet de gagner facilement de l’altitude. Arrivés au niveau du belvédère du Viso, nous choisissons de passer par la variante haute, qui rejoint le GR58 et passe par le refuge du Viso. Pas forcément l’option la plus roulante, mais nous pourrons facilement refaire le plein d’eau au refuge. Presque 300m à pousser le vélo, entrecoupés de quelques morceaux de bravoure à essayer de pédaler un peu. Pendant ce temps le gardien du refuge nous gratifie d’un ballet de moto trial. Je ne suis pas un grand fan des engins motorisés sur les sentiers, mais le voir enrouler les épingles avec un empilement de victuailles pesant sur la claie de portage qui ne demande qu’à se faire la malle était réellement impressionnant.

En route vers le col Valante, sous l'œil du maître des lieux
On choisira de casser la graine au niveau du refuge, et nous laisserons tenter par une tarte aux myrtilles et un café… La traversée vers le pied du col Valante se fait sans encombre mais arrivés au lac Lestio il faudra se résoudre à mettre le vélo sur le dos. Cependant la montée est moins pénible que ne pourrait le laisser présager la vue des pierriers qui nous surplombent. Le sentier est dans l’ensemble bien marqué, et les quelques passages de névés sont suffisamment « revenus » pour ne poser aucun problème.


Derniers mètres peu roulants sous le col
Au niveau du col, la vue est saisissante. Nous sommes au pied même du Viso et ce sont près de 1000m de parois qui nous surplombent. L’impression est d’autant plus forte que le soleil s’est caché, le vent s’est levé, apportant avec lui son lot de nuages et rendant le lieu assez austère. Le maître des lieux ne se montre alors que par intermittence, se couvrant et découvrant au gré des bourrasques. Le lieu est majestueux mais ces dernières finissent par nous déloger.

Le seigneur du jour: Monte Viso

Nous reprenons notre chemin vers le Passo della Losetta. La traversée est gazeuse mais au final pas mal de passages passent sur le vélo, et seuls les derniers mètres sous le col nous obligent à bâter de nouveau les mules que nous sommes. Il n’est pas très tard et nous avons le temps de pousser jusqu’au sommet de la Pointe Joanne. Isa ne se sent pas d’y traîner le vélo. A la montée nous croisons les deux locaux : un couple de bouquetins très peu farouches qui ont bien compris que les bipèdes que nous sommes ne viendrons pas les déloger. Ils occupent donc fièrement le terrain et prennent la pose entre deux sessions broutage.


Le gardien de la Pointe Joanne
Du sommet de la pointe la vue est magique : on surplombe le lac Lestio et au loin le refuge du Viso. Le sommet du Viso est lui à portée de main. On s’attarde un peu, le temps de profiter du spectacle, de feuilleter le livre d’or et d’y reconnaître quelques noms puis on attaque la descente.
SOUMITE!
Du sommet de la Pointe Joanne: 500m plus bas le lac Lestio
Le sentier s’enchaine sans problème jusqu’au col, si ce n’est le détour imposé par l’un des deux bouquetins qui broute sur le sentier et me fait comprendre d’un sifflement sourd que je ne le ferai pas bouger de là (voir vidéo). Isa retrouve sa monture au col et nous plongeons dans le vallon du Soustra qui sera notre lieu de bivouac pour ce soir.


Le magnifique vallon du Soustra depuis la pointe Joanne
Le vallon est orienté Est-Ouest et à cette heure de la journée, une lumière dorée s’engouffre dans celui-ci. Les ombres s’allongent. Le plaisir d’être en montagne en fin d’après midi est alors immense. Et pour ne rien gâcher le sentier est super ludique, tournicotant dans les alpages. Arrivés vers 2200m le vallon s’aplanit franchement, le lieu idéal pour passer la nuit, le long du ruisseau. Nous ne serons pas seuls car un peu plus tard un couple de randonneurs viendra planter la tente à quelques encablures.


Fin de journée en altitude
Le temps de déballer la tente, de s’installer et de commencer à faire chauffer l’eau que la nebbia commence à remonter le vallon. Pas de grande cuisine ce soir, les BULleurs novices que nous sommes ont encore des progrès à faire de ce point de vue là : soupe et vermicelles, on a vu plus réjouissant…


La nebbia envahit doucement le vallon
La luminosité baisse petit à petit et c’est avec plaisir que nous nous glissons dans nos duvets, après une petite séance de tonte autour des matelas, les herbes hautes venant sinon nous chatouiller les narines…


Au lit!
On pensait se réveiller aux aurores mais nous faisons quasiment le tour du cadran. Il aura fallu une marmotte voisine un peu bruyante pour nous tirer du duvet. Le temps de faire chauffer l'eau du thé et le soleil vient nous réchauffer. On plie tranquillement le bivouac avant d'attaquer la fin de la descente. On croise quelques piétons. Remontée du col d'Agnel par la route. Je ne peux résister à la tentation de prendre la roue d’un cycliste sur route, mais au bout d’un kilomètre je dois me rendre à l’évidence, je ne fais pas le poids avec mes 13kg de vélo, mon bardas et mes gros pneus face à 8kg de carbone posés sur 2 cm2 de gomme. Le ruban d’asphalte du col d’Agnel est superbe mais nécessite de se lever tôt sous peine de se faire enfumer par les très nombreux camping-cars / voitures / motos qui y remontent, tant côté Italien que Français. Arrivés à la stèle nous traversons en direction du Col Vieux : cette section se fait au milieu d’une horde de piétons qui vient admirer le vallon qui redescend vers Ristolas. La plupart cependant s’arrêtent au col et dans la descente nous ne croiserons pas autant de monde que craint. Et quelle descente !! Elle dure, alternant portions lisses et virevoltantes avec quelques jolis défis techniques, tout cela sur plus de 1200m de dénivelé... Un petit bijou. On arrive à la Monta pour le déjeuner histoire de dévorer les produits locaux proposés. Il est temps pour nous de plier bagages, le temps se couvrant et la pluie arrivant : la preuve les premières gouttes commencent à tomber lorsque nous montons en voiture direction le farniente à Barcelone !

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